Le spectacle de Rachid Ouramdane, Des témoins ordinaires est un exemple concret de l'apport du cirque dans le théâtre ou la danse. Le chorégraphe Rachid Ouramdane utilise dans sa mise en scène des contorsionnistes et acrobates.

Des témoins ordinaires est une pièce sur la torture. La parole est secondaire dans la mise en scène, le corps prend alors toute son importance. Comment exprimer la torture, la douleur physique sans mot? Rachid Ouramdane a fait le choix de remplacer le mot par le maux en utilisant le corps contorsionné d'artistes de cirque.

Le langage corporel est puissant, les mouvements sont lents et sobres mais donnent une certaine profondeur au message de R.Ouramdane. Une mise en scène "corporalisée" allège la pièce. En effet le sujet étant déjà dur y rajouter le poids des mots n'aurait fait qu'alourdir les témoignages.

http://www.youtube.com/watch?v=JjlddlK8YU0

 Le cirk'oblique est un petit cirque familial. Intimiste, drôle, impressionnant, touchant Ahoüt est un spectacle complet.  

A voir absolument pour le plaisir des yeux, se retrouver sous un chapiteau et admirer une petite compagnie qui réussit sur un marché où les grands sont de plus en plus nombreux !!http://www.youtube.com/watch?v=SXeiuYaqGcs

    Certaines œuvres du théâtre contemporain cherchent à toujours repousser les limites des possibilités de mise en scène et à innover. Les propositions théâtrales s'orientent alors vers les technologies de pointe, alliant des trouvailles visuelles, sonores et même olfactives, pour créer des spectacles où la place du texte tend à s’estomper face à celles des corps. Le corps est alors représenté sous toutes ses formes, difforme, mutilé,handicapé,source de désir et de plaisir...

Le corps de l'artiste devient un objet manipulé par la mise en scène.

Dans ce genre de théâtre, le corps de l'acteur peut être comparé à celui de l'artiste de cirque c'est à dire sous l'emprise constante du risque. La douleur et la peur sont alors le moteur du jeu de l'acteur. Par exemple, le metteur en scène Romeo Castellucci plasticien de formation, est connu pour ses pièces toutes étranges et choquantes. Au festival d'Avignon en 2008, il présente «L'Enfer», un spectacle extrême où par exemple une meute de chiens enragés se jette sur un acteur. Le metteur en scène explique son choix: «Dans la scène avec les chiens, il y a une douleur dans le sens littéral. C'est une grande métaphore de l'art.». L'art serait donc la prise de risque, et un artiste un homme capable de surmonter ses peurs et de faire face à la douleur. Il n'y aurait pas d'art sans douleur physique ou psychologique. C'est surement le contexte de notre époque qui donne à l'artiste ce nouveau rôle, c'est à dire impressionner par «l'extra-ordinaire», par le spectaculaire. Aujourd'hui l'homme a besoin d'être mis en face à face avec ses craintes. La violence est alors souvent au cœur de la mise en scène, c'est pourquoi ce théâtre à l'esthétisme outrancier est très controversé: « Ce n'est pas du théâtre !!».

Se pose alors la question du mélange des genres. Faut il respecter les valeurs et traditions de chaque art ou alors les associer pour créer un genre nouveau? Chaque discipline est riche et utiliser le potentiel d'un musicien, d'un danseur, d'un acrobate, d'un acteur, d'un peintre, d'un photographe(...) est un véritable défi pour les metteurs en scène contemporains qui entrent dans un univers encore trop peu démocratisé.

Chouf Oufchouf est une pièce du Groupe acrobatique de Tanger mise en scène par Zimmermann & Perrot, elle célèbre la rencontre entre tradition acrobatique marocaine et création théâtrale contemporaine. Le théâtre croise le cirque dans une alliance magnifique.

Il y a beaucoup de choses à voir dans ce spectacle, bien plus que des acrobaties. Les performances physiques servent à exprimer des émotions, des images, les corps sont au service de la poésie. A travers les mouvements des acrobates et les mouvement de décors, est exprimé le combat d’une jeunesse pour survivre au milieu du chaos. L'acrobatie qui est un art individuel prend ici une dimension collective.

On parle de véritable alliance entre cirque et théâtre car dans Chouf Oufchouf pas besoin d’un trampoline pour sauter, il suffit d’avoir de l’imagination et de bons partenaires. Le matériel technique de l'acrobatie traditionnelle du cirque (trampoline, trapèze...) est absent mais c'est des objets quotidiens ( comme un grand cabas) et de grandes constructions mobiles en bois qui permettent de faire voler les artistes.

Les prouesses physiques impressionnantes mettent en suspens le public, et le thème de la pièce aiguise notre curiosité. Ceci créé une atmosphère étrange, entre le phénoménal et la découverte du quotidien marocain. Zimmermann& Perrot ont réussi à trouver toutes les possibilités qu'offre l'acrobatie pour réaliser une mise en scène moderne, colorée et rythmée.

      Chouf Oufchouf

La fin du XXe siècle et surtout le début du XXIe siècle marquent un tournant décisif dans les perspectives d’écriture théâtrale et de mise en scène. Le théâtre va désormais dépasser le conflit entre le corps et l’esprit, en prouvant concrètement que sur scène qu’il n’y a pas de pensée sans corps.

Le cirque nouveau va offrir de multiples possibilités de mise en scène grâce à des artistes ayant suivi une formation pluridisciplinaire dans les domaines de la danse, du théâtre, de la musique et des techniques de cirque. Utiliser le potentiel acrobatique des circassiens donne la possibilité au metteur en scène de rythmer son travail et créer un théâtre original.

 Réciproquement, le cirque actuel puise son inspiration dans le théâtre et la mise en scène. Le Monsieur Loyal et les animaux du cirque traditionnel se font plus rares, désormais on parle de cirque contemporain qui emprunte au langage de la danse, du théâtre, des arts plastiques, en interrogeant les limites de la scène et du corps. Les artistes de cirque ont un travail similaire à celui d'un metteur en scène: la recherche d'esthétisme, de créativité, la prise de parole, le tout additionné à un univers physique et technique. Le corps hors normes de l'acrobate est confronté à la représentation et à l'occupation de l'espace tout comme un acteur. Ces nouveaux cirques ont connu un essor incroyable ces dernières années et illustrent ce qu'on appelle le «spectacle vivant», expression qui désigne la disparition des frontières entre les arts de la scène.

Nebbia, Cirque Eloize

Lula (artiste cirque-corde lisse)

"En l'occurence pour moi mon corps est mon outil de travail, dont je dois prendre grand soin pour en pas l'abimer, sans quoi je n'ai plus de boulot.

C'est aussi ma matière première, que je dois sculpter, façonner en fonction des besoins et des impératifs. Mon mode de vie est plus ou moins régie par les besoins de mon corps : le sommeil, le régime alimentaire, les blessures... Je dois être à l'écoute en permanence pour ne pas l'abimer.

Bon bien sur ça c'est de la belle théorie, parce qu'en vrai je ne me prive pas de soirées bien arrosées, de nuits blanches, de frites et de chocolat... Le tout est de trouver un bon équilibre. On peut tout se permettre tant qu'il n'y a pas d'excès et qu'on est capable de compenser les écarts : suffisemment de sommeil après une grosse soirée, des repas équilibrés et "sains" après une grosse beuverie ou des repas entre amis ou en famille (ceux qui durent toute une après-midi et qui te remplissent pour au moins 4 jours ), aller courir ou faire du sport (autre que l'entrainement) régulièrement pour garder la forme de fond et éliminer les excès en question...

Quand j'étais en école j'ai remarque un truc qui est valable pour tout le monde : c'est l'esprit avant le corps.

 Le corps est complètement dépendant du moral, de l'état d'esprit du moment où tu le sollicites. Quelqu'un qui vient de recevoir une bonne nouvelle, qui vient de retrouver son/sa chérie après longtemps sans le/la voir, qui est dans une phase positive de sa vie, va être carrément plus performant que quelqu'un qui est dans une phase négative, fatigué, contrarié, qui fait les choses parce qu'il faut les faire mais sans y mettre du coeur.

Je me suis déja sentie une force venue de je ne sais ou juste parce que j'étais hyper positive/motivée à un moment précis, ou parce que j'avais quelqu'un à impressionner, ou pendant le stress des auditions etc... Donc c'est que quelque part on est capable de faire bien des choses mais qu'on a des barrières qui se dressent dans la tête qui empêchent le corps d'aller au bout de ces actions. Nos limites physiques sont bien plus loin que ce que l'on pense en général, c'est juste assez dur d'aller les puiser parce que ça demande aussi une force mentale omniprésente."

Le corps est pour l'artiste de cirque son outil premier. C'est une matière modulable qui impose des contraintes. Un circassien peut être comparé à un sportif de haut niveau, il doit apprivoiser son corps, l'entretenir et le préserver. C'est souvent un travail long,fatigant,risqué et douloureux.

Frédéric Arsenault, voltigeur de la Cie Un loup pour l'homme explique «un acrobate qui n’a pas mal est un acrobate qui est mort». Un corps en bonne santé et dynamique est donc un préalable pour l'artiste. Le corps symbolise donc le paradoxe de l'artiste du cirque: entre souffrance et jubilation.

Au cirque, l'artiste cherche à dépasser les limites corporelles. Bien sûr la prouesse physique n'est pas le but ultime mais représente un chemin vers la sensibilité et la créativité .

L'artiste de cirque a un rapport peu ordinaire avec son corps, il cherche à le dompter, le contrôler tout en lui étant soumis. En effet, l'acrobatie de haut niveau n'est pas sans risque et les blessures sont nombreuses dans la carrière de l'artiste. Le corps est donc un capital à préserver car contrairement à l'acteur, le circassien est limité temporellement dans son activité par l'âge ou les problèmes de santé.

L'état du corps de l'artiste de cirque est fortement lié au mental . Alexandre Fray, porteur de la compagnie Un loup pour l’homme a dit: « il y a bien sûr une donne physique - taille, poids, masse musculaire ; mais surtout un caractère. Il faut aimer prendre des risques pour être voltigeur, avoir envie de sauter ou de se jeter la tête en bas en se disant qu’on va te rattraper… ».

Le corps est donc l'identité même de l'artiste de cirque, un reflet de sa personnalité.

Cie Un loup pour l'homme 

Appris par corps